Jean-François Brunelli a exporté le brocciu fermier, fromage typique de l’île de Beauté, jusqu’à la capitale. Et tout cela grâce à un poisson d’avril.
« Le Brocciu à la conquête de Paris ! » Le 1er avril 1997, le quotidien méridional Le Provençal met en première page cette information improbable. Comment le brocciu, ce fromage qui se consomme ultra-frais sur l’île, ce fromage très fragile qui se vend la plupart du temps en circuit ultra-court, pourrait-il conquérir la capitale ? À Porticcio, au sud d’Ajaccio, l’éleveur de brebis Jean-François Brunelli lit avec stupeur l’article. Plusieurs noms de fromagers sont cités. Il se pose immédiatement la question : « Pourquoi je n’en suis pas ? », ne se rendant pas compte que la nouvelle était en fait un poisson d’avril.
Il appelle aussitôt les renseignements téléphoniques et demande à l’opératrice des noms de fromagers parisiens, afin de leur proposer ses produits au plus vite. Jean-François Brunelli habite à dix minutes de l’aéroport d’Ajaccio. Le lendemain, il est dans l’avion avec une glacière remplie d'échantillons de broccius, fabriqués le matin même. C’est ainsi qu’il va rencontrer Roland Barthélemy, grand fromager parisien, qui le conseille pour améliorer ses emballages et va ouvrir au délicat fromage corse un nouvel horizon.
De génération en génération
Chez les Brunelli, le brocciu est une affaire de famille. Jean-François occupe le cinquième rang d’une lignée de bergers-fromagers. Âgé de 63 ans, il transforme, de novembre à juin, le lait de 120 brebis de race corse qui pâturent en bordure de mer. Son petit atelier est situé au pied d’une imposante bâtisse sur les hauteurs de la cité balnéaire de Porticcio. Pendant trente ans, il a assisté sa grand-mère, puis sa mère, avant de devoir prendre la succession du jour au lendemain. « Lorsqu’elle a disparu, explique-t-il, je me suis senti désemparé, elle ne m’avait rien expliqué. J’ai tout reproduit grâce à ma mémoire visuelle. »
Au fond du chaudron
Il fabrique le fromage dans des chaudrons en cuivre. Le brocciu est élaboré à partir du petit-lait porté à très haute température. Lorsque des flocons blanchâtres remontent à la surface, il est temps de les déposer délicatement avec une écumoire dans les moules.
La bonne fortune du brocciu
Le brocciu dispose d’une appellation d’origine contrôlée depuis 1981. Depuis, sa notoriété a franchi les frontières corses et bien au-delà. Les fabricants ont mis au point des emballages pour faire voyager le plus emblématique des fromages corses sans encombre. Vous pouvez toujours trouver les broccius fermiers de Jean-François Brunelli à Paris, chez des professionnels renommés : à la fromagerie Quatrehomme (62 rue de Sèvres, 7ème), chez Fil-o-Fromage (12 rue Neuve-Tolbiac, 13ème) ou encore chez les Fromages de Gambetta (259 rue des Pyrénées, 20ème).